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dimanche 10 mai 2020

Descentes d’air froid massives et simultanées sur l’Amérique du Nord et l’Europe

De l’air polaire s’est écoulé massivement à l’est et à l’ouest du Groenland du 8 au 13 mai 2020, entraînant une baisse des températures sur le nord-ouest de l’Europe et de façon plus notable sur l’Amérique du Nord en raison de sa continentalité plus marquée.


Les températures ont sensiblement baissé sur l’Europe de l’Ouest à partir du 11 mai, parfois de manière très brutale et en quelques heures seulement. Cette offensive hivernale tardive s’est fait d’abord ressentir en Islande, en particulier en montagne, où la température est descendue jusqu’à -22,2°C le 9 mai à Dyngjujökull (1689 m) : il s’agit de la plus basse température jamais enregistrée en Islande au mois de mai (précédent record : -21,7°C le 2 mai 2013 à Brúarjökull [845 m]), même s’il faut toutefois nuancer cette valeur qui ne sera sans doute pas validée officiellement, car le capteur thermique de la station de Dyngjujökull (qui n’existe que depuis 2016) est placé légèrement plus bas au-dessus du sol que la hauteur standard (la couverture neigeuse anormalement élevée pour cette période de l’année compromettant aussi la mesure par une plus grande proximité avec le capteur).

En Amérique du Nord, l’air froid a envahi l’ensemble du continent situé à l’est des Rocheuses, associé à des pressions extrêmement élevées* sur le nord du Canada : jusqu’à 1058,2 hPa le 9 mai à Robertson Lake AWS (Nunavut), 1057,2 hPa (à 18h UTC) à Cape Peel West (Nunavut), 1056,8 hPa (18h UTC) à Hat Island (Territoires du Nord-Ouest), 1056,5 hPa (18h UTC) à Bathurst Inlet (Nunavut) et 1056,1 hPa (18h UTC) à Cambridge Bay (Nunavut).
De telles valeurs de pression sont exceptionnelles pour un mois de mai, d’autant plus pour l’archipel arctique canadien qui enregistre à cette occasion un record mensuel de haute pression seulement un mois après avoir déjà battu un record mensuel le 2 avril dernier (1068,2 hPa à Fort Ross [Nunavut]).
On notera également un écart de près de 80 hPa entre les hautes pressions sur le nord du Canada et les pressions anormalement basses sur la côte atlantique associées à une intense dépression : jusqu’à 979,0 hPa le 9 mai (20h44 UTC) à Saint John (Nouveau-Brunswick) qui enregistre un record mensuel de basse pression (précédent record : 985,8 hPa) ; d’autres stations ont également enregistré dans la soirée du 9 mai un record mensuel de basse pression, comme Moncton (Nouveau-Brunswick) avec 981,4 hPa (précédent record : 984,2 hPa le 11 mai 1945) ou encore Eastport (dans l’État américain du Maine) avec 982,0 hPa (précédent record : 982,4 hPa le 9 mai 1926) !
La situation synoptique actuelle est donc tout à fait comparable à celle observée au début du mois d’avril 2020, au cours de laquelle on avait relevé un écart de pression d’au moins 96 hPa entre le nord du Canada et le proche Atlantique, ainsi que des records de pression dans les mêmes régions.

Cette descente massive d’air froid sur l’Amérique du Nord s’est traduite par des records mensuels de froid dans plusieurs grandes villes du Midwest et du nord-est des États-Unis : à titre d’exemple, on a relevé -2,8°C le 9 mai à Indianapolis (Indiana) où il n’avait jamais fait aussi froid en mai depuis le début des mesures en 1871 (précédent record : -2,2°C le 10 mai 1966) ! Des records mensuels de froid ont également été enregistrés le 9 mai à Fort Wayne (Indiana) avec -5,0°C (les -5,0°C les plus tardifs remontaient ici aux 20 avril 1904 et 20 avril 1897), à Binghamton (New York) avec -4,4°C, ou encore à l’aéroport de La Guardia (New York) avec 2,2°C.
À Central Park (New York), la température a chuté à 1,1°C le 9 mai au matin : il faut remonter à 1891 pour trouver au cœur de « Big Apple » une température aussi froide au mois de mai !
Par ailleurs, la température la plus basse dans le Midwest a été relevée à Van Wert (Ohio) avec -7,8°C le 9 mai : il s’agit là aussi d’un record mensuel de froid depuis le début des mesures en 1893, tout près même du record mensuel de froid pour l’État de l’Ohio (-8,3°C le 10 mai 1966 à Jackson 2NW) !

Le froid a gagné aussi les régions plus méridionales des États-Unis : on a relevé par exemple une température minimale de 1,7°C le 9 mai à l’aéroport international de Nashville (Tennessee), où il n’avait jamais fait aussi froid aussi tardivement depuis le début des mesures en 1871 (précédent record : 1,7°C le 6 mai 1968).

Des chutes de neige localement abondantes se sont produites sur la façade atlantique du continent nord-américain, alimentées en humidité par une intense dépression qui s‘est creusée très rapidement dans le golfe du Maine. Il a neigé notamment à Central Park (New York) le 9 mai (traces au sol), égalant ainsi la chute de neige la plus tardive datant du 9 mai 1977. Il est tombé également le même jour en Virginie-Occidentale 63,5 cm à Snowshoe (record en 24h pour un mois de mai à la station) et 38,1 cm à Elkins (record en 24h pour un mois de mai, battant les 17,8 cm mesurés en mai 1963). Notons aussi qu’il a neigé sous forme d’averses à Pittsburgh les 8 et 9 mai (traces au sol) : il faut remonter aux 9 et 10 mai 1923 pour observer deux jours consécutifs avec de la neige au mois de mai dans cette ville de Pennsylvanie.

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* Cf. cartes ci-dessous des records de haute pression en mai au Canada, avant le 8 mai 2020 (à gauche) et après le 10 mai 2020 (à droite) :
© David Roth (via son compte Twitter)


samedi 28 mars 2020

Record de haute pression en Islande pour un mois de mars depuis 1883 !

Après s’être maintenue en phase positive durant au moins 91 jours consécutifs (soit du 29 décembre 2019 au 28 mars 2020) avec des valeurs d’indice historiquement élevées en février, l’oscillation arctique (AO en anglais) évolue depuis quelques jours vers des conditions plus neutres et semble transiter vers un mode négatif (au moins temporairement).
L’oscillation nord-atlantique (qui constitue une vue régionale de l’oscillation arctique) évolue également vers un mode négatif, après avoir connu une phase positive durant quasiment tout l’hiver 2019-2020, avec de hautes pressions plus marquées des Açores à l’Afrique du Nord et des pressions anormalement basses entre le Groenland et la Scandinavie (en particulier de l’île de Jan Mayen aux îles Féroé, en passant par l’Islande).

Comme prévu il y a quelques jours, un changement s’est opéré dans la dynamique aérologique ce samedi 28 mars avec l’arrivée d’un puissant anticyclone dans l’Atlantique nord-est, centré au sud de l’Islande. La pression a atteint 1050,5 hPa dès la mi-journée à Hjarðarland í Biskupstungum et 1050,4 hPa à Eyrarbakki sur la côte sud-occidentale de l’Islande : il s’agit de la plus haute pression enregistrée en Islande pour un mois de mars depuis 137 ans ! Il faut remonter au 6 mars 1883 pour trouver des pressions plus élevées dans le pays avec 1051,7 hPa à Vestmannaeyjar (îles Vestmann) et 1050,7 hPa à Stykkishólmur. Il faut également remonter à l’année 1962 pour trouver des pressions supérieures à 1048 hPa au mois de mars en Islande (jusqu’à 1048,5 hPa à Galtarviti) et au 16 avril 1991 pour trouver des pressions plus élevées tous mois confondus (1050,8 hPa à Egilsstaðir).
Notons que certaines stations situées au-dessus de 600 m d’altitude ont enregistré des pressions réduites au niveau de la mer encore supérieures (1054,2 hPa à Setur [693 m] et 1054,1 hPa à Veiðivatnahraun [647 m]), mais l’altitude plus élevée de ces stations rend la réduction barométrique au niveau de la mer moins significative et ne permet pas véritablement les comparaisons.

Notons également que la pression a rarement atteint les 1050 hPa en Islande au cours des 200 dernières années, seulement à 8 reprises au 19e siècle et à 5 reprises depuis le début du 20e siècle (les valeurs les plus élevées sont indiquées ci-dessous pour les 13 événements répertoriés) :
  • 1058,5 hPa le 03/01/1841 à Reykjavik [1057,6 hPa le 04/01/1841] ;
  • 1051,8 hPa le 14/02/1892 à Stykkishólmur et à Akureyri ;
  • 1051,7 hPa le 11/12/1846 à Reykjavik ;
  • 1051,6 hPa le 12/01/1890 à Akureyri ;
  • 1051,1 hPa le 14/01/1892 à Vestmannaeyjar (îles Vestmann) ;
  • 1051,7 hPa le 06/03/1883 à Vestmannaeyjar (îles Vestmann) et 1050,7 hPa à Stykkishólmur ;
  • 1050,9 hPa le 23/12/1836 à Reykjavik ;
  • 1050,0 hPa le 26/02/1890 à Stykkishólmur ;
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  • 1054,2 hPa le 16/12/1917 à Stykkishólmur ;
  • 1051,7 hPa le 25/02/1962 à Dalatangi et le 26/02/1962 à Akureyri ;
  • 1051,1 hPa le 17/01/1977 à Galtarviti (Keflavik) ;
  • 1050,8 hPa le 16/04/1991 à Egilsstaðir ;
  • 1050,0 hPa le 24/02/2006 à Dalatangi et à Skjaldþingsstaðir.

Les modèles prévoient des pressions encore plus élevées le dimanche 29 mars au cœur de cet anticyclone, possiblement jusqu’à 1055 hPa. De telles valeurs sont extrêmement rares pour une fin mars sur le proche Atlantique : le record mensuel officiel de haute pression pour les îles Britanniques, vieux de 67 ans (1048,6 hPa* le 09/03/1953 à Tynemouth [Angleterre]), est d’ores et déjà battu ce samedi soir avec 1048,8 hPa à 20h à Stornoway (Écosse). Si la pression atteint 1050 hPa dimanche, ce sera aussi la 2e fois cette année que la pression dépasse la barre des 1050 hPa dans les îles Britanniques : pour mémoire, la pression en surface a atteint et dépassé les 1050 hPa dans un grand nombre de stations du sud de l’Angleterre les 19 et 20 janvier dernier, enregistrant à cette occasion la plus haute pression tous mois confondus pour les îles Britanniques depuis le 16/01/1957.

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* Ce record paraît néanmoins suspect au regard des archives météorologiques consultées et relèverait plutôt d’une erreur de transcription (la valeur exacte serait en réalité de 1043,6 hPa ce jour-là).
Nous préférons retenir ici comme record le plus fiable les 1047,9 hPa du 3 mars 1990 à St Mary’s Airport (îles Scilly, en mer Celtique).