mardi 6 août 2019

Vague de chaleur d’intensité exceptionnelle sur l’Europe de l’Ouest en juillet 2019

Après une première vague de chaleur du 24 au 30 juin 2019 (d’une intensité historique dans le sud de la France, avec à la clé un nouveau record national de chaleur), une seconde vague de chaleur a frappé la France et une bonne partie de l’Europe de l’Ouest du 21 au 26 juillet 2019.
Si, comme la première, cette nouvelle vague de chaleur a été relativement courte (6 jours), elle a atteint une intensité exceptionnelle et inédite sur la moitié nord de la France, le Benelux et l’Angleterre. Une multitude de stations ont battu ou pulvérisé (parfois de plusieurs degrés) leur record absolu de température au cours de cet épisode caniculaire et 5 pays européens ont enregistré un nouveau record national de chaleur le 25 juillet au terme d’une journée historiquement chaude.

Cette seconde vague de chaleur est la conséquence d’une puissante remontée d’air chaud en provenance d’Afrique du Nord associée à un dôme anticyclonique (structure en Omega typique de ces situations) qui s’est positionné au‑dessus de l’Europe de l’Ouest, à l’avant d’un système dépressionnaire sur l’Atlantique. Cette puissante advection d’air chaud en provenance du nord de l’Afrique a été favorisée par un ralentissement général du flux d’ouest au‑dessus de l’Atlantique depuis la fin avril 2019, comme l’indique l’indice remarquablement négatif de l’oscillation nord-atlantique sur toute la période. En effet, dans une telle configuration isobarique, la circulation d’ouest est plus faible et le courant-jet décrit des ondulations plus marquées, favorisant de puissantes advections d’air chaud en provenance du continent africain (comme ce fut le cas aussi sur la France lors de la première vague de chaleur en juin) entre deux coulées d’air plus froid sur le proche Atlantique et du nord de l’Europe à l’Europe de l’Est.


FRANCE
Cette seconde vague de chaleur, qui a touché la France du 21 au 26 juillet, a été relativement courte (6 jours) mais d’une intensité exceptionnelle, comme on peut le constater sur le diagramme à bulles ci-contre de Météo-France qui compare les vagues de chaleur survenues dans le pays depuis 1947.
Elle ponctue un mois de juillet 2019 particulièrement ensoleillé (en particulier dans l’Ouest) et chaud à l’échelle nationale, mais seulement le 3e plus chaud depuis 1900 avec un écart à la normale mensuelle de +2,4°C (comme en juillet 2018, contre +2,6°C en juillet 1983 et +3,6°C en juillet 2006 !).
À titre d’illustration, Paris-Montsouris n’a enregistré au cours de ce mois de juillet 2019 que 7 jours avec une température au moins égale à 30°C, contre 16 jours en juillet 2018 et juillet 2006.

Cartes des températures maximales en France du 23 au 25 juillet 2019
Source : Infoclimat
Cette vague de chaleur a débuté dans le sud-ouest de la France, avec à la clé des records absolus de température battus dans plusieurs villes dès le 23 juillet : 42,1°C à Brive, 42,0°C à Terrasson, 41,2°C à Bordeaux-Mérignac, ou encore 42,6°C à Bordeaux-Paulin (station implantée au cœur de la capitale girondine depuis 1952, dont l’environnement reste néanmoins relativement satisfaisant pour une station située en centre-ville [cf. la fiche signalétique de la station]).
La chaleur a atteint le même jour le centre-ouest de la France et s’est propagée rapidement vers le nord et le nord‑est les jours suivants, à la différence de celle du mois de juin 2019 qui avait épargné les régions de l’Île-de-France et des Hauts-de-France sous l’influence protectrice d’une masse d’air anticyclonique plus fraîche centrée plus au nord.
De nombreuses autres stations ont enregistré un nouveau record absolu de chaleur les 23 et 24 juillet (cf. la liste ci‑dessous), mais le jeudi 25 juillet a été de loin la journée la plus chaude de cet épisode caniculaire exceptionnellement intense. L’indicateur thermique national a atteint 29,4°C, soit une valeur record équivalente à celle du 5 août 2003, reléguant aux 3e et 4e rangs les journées du 27 juin 2019 (27,9°C) et du 28 juillet 1947 (27,8°C).
Plus de 40 stations synoptiques (soit près d’un quart du réseau principal de Météo-France) ont battu leur record absolu sur la seule journée du 25 juillet. Le mercure a atteint des valeurs jamais mesurées, tous mois confondus, dans de nombreuses villes, effaçant les records des vagues de chaleur de juillet 1947, juillet 1983 et août 2003. La barre des 40°C a été dépassée pour la première fois dans l’extrême nord du pays, comme à Dieppe (40,1°C), Lille (41,5°C) et même Dunkerque (41,3°C) !
La température est montée jusqu’à 42,6°C le 25 juillet à Paris-Montsouris qui pulvérise son ancien record absolu de chaleur depuis le début des mesures en 1872 (40,4°C le 28/07/1947) et détient désormais le record absolu pour les stations du réseau principal de la moitié nord de la France. La station se classe également au 3e rang du réseau principal à l’échelle nationale pour un mois de juillet (derrière Figari [Corse] avec 43,0°C le 23/07/2009 et Le Luc [Var] avec 42,7°C le 07/07/1982) et au 9e rang tous mois confondus (le record étant détenu par Nîmes-Courbessac avec 44,4°C le 28/06/2019) !
Hors réseau principal, la température a grimpé jusqu’à 43,6°C le 25 juillet à Saint-Maur-des-Fossés (une station implantée dans le parc St-Maur depuis 1872, qui a tendance néanmoins à surchauffer). Il s’agit non officiellement (mais possiblement) d’un nouveau record national de chaleur pour un mois de juillet, qui bat les 43,4°C du 23/07/2009 à Sartène (Corse) et 43,5°C le même jour à Sollacaro-Alziglione (mais cette station de Corse-du-Sud est de moins bonne qualité [cf. sa fiche signalétique]). On peut également signaler qu’on avait relevé jusqu’à 43,8°C le 31/07/1947 à Joyeuse (Ardèche), mais cette valeur est vraisemblablement surestimée.

Selon Météociel, 282 records absolus ont été battus en juillet (principalement sur la moitié nord de la France), contre 180 en juin (du sud-est de la France aux pays de la Loire). Comme on peut le voir aussi sur la carte ci-contre (établie par l’observatoire Keraunos à partir des données fournies par Météo-France), plus de 70 stations synoptiques (soit environ 40 à 50% du réseau) ont battu leur record absolu de chaleur durant les deux premiers mois de l’été 2019 [une étude complémentaire parue sur LeMonde.fr précise que 79 stations synoptiques ont d’ores et déjà battu leur record absolu depuis le début de l’année et que 83% des températures maximales ont été enregistrées après 2003]. L’ampleur de la vague de chaleur de juillet est saisissante sur la moitié nord de la France. Tout aussi renversant, Lille (41,5°C) et Dunkerque (41,3°C) par exemple comptent désormais un record absolu de température supérieur à ceux de Bordeaux-Mérignac (41,2°C), Agen (41,0°C), Biarritz (40,6°C), Tarbes (39,0°C), Lyon St-Exupéry (39,9°C), Clermont-Aulnat (40,9°C), Grenoble St-Geoirs (39,5°C), Nice (37,7°C), Toulon (40,1°C), ou encore Marseille-Marignane (40,6°C) ! Sans oublier Paris-Montsouris (42,6°C) qui devance désormais Perpignan-Rivesaltes (42,4°C) !

Le caractère le plus frappant de ces deux canicules de juin et juillet 2019 est l’écart qui existe entre les nouveaux records établis récemment et les anciens records historiques, comme on peut le voir sur cette carte proposée par Matthieu Sorel (ingénieur à Météo-France) via son compte Twitter. Certaines stations ont pulvérisé littéralement leur précédent record de plusieurs degrés, en particulier Dunkerque le 25 juillet (+3,0°C), Abbeville le 25 juillet (+3,5°C), Amiens le 25 juillet (+3,6°C), Lille le 25 juillet (+3,9°C), Nîmes-Garons le 28 juin (+4,2°C), Gallargues-le-Montueux le 28 juin (+5,3°C), Marsillargues le 28 juin (+5,4°C) et surtout Montpellier-Fréjorgues qui a pulvérisé le 28 juin de +5,8°C son précédent record depuis le début des mesures en 1946 (43,5°C contre 37,7°C le 04/08/2017) : un tel écart est même exceptionnel à l’échelle mondiale, car seule la station de Steele dans le Dakota du Nord a battu en juillet 1936 son précédent record absolu avec un plus grand écart (+6,1°C) ; toutefois, on peut considérer que la station de Montpellier a pratiquement égalé (voire battu) un record mondial, car les données de Steele contiennent une plus grande marge d’imprécision en raison de l’unité utilisée — le degré Fahrenheit (toujours arrondi à la valeur supérieure).

Stations ayant enregistré un record absolu de chaleur en juillet 2019 (classées par ordre décroissant des valeurs)
[liste non exhaustive] :
  • 43,6°C le 25 juillet à Saint-Maur-des-Fossés (94) [précédent record depuis 1872 : 42,2°C le 06/08/2003]
    = record pour la région Île-de-France
  • 42,9°C le 25 juillet à La Brosse-Montceaux (77) [précédent record depuis 1973 : 40,4°C le 24/07/2019]
  • 42,6°C le 25 juillet à Paris-Montsouris (75) [précédent record depuis 1872 : 40,4°C le 28/07/1947] 
  • 42,6°C le 25 juillet à Achères (78) [précédent record depuis 1990 : 40,2°C le 11/08/2003]
  • 42,6°C le 25 juillet à Chablis (89) [précédent record depuis 1951 : 41,8°C le 07/08/2003]
    = record pour la région Bourgogne Franche-Comté
  • 42,6°C le 23 juillet à Bordeaux-Paulin (33) [précédent record depuis 1952 : 41,0°C le 04/08/2003]
  • 42,5°C le 25 juillet à Nemours (77) [précédent record depuis 1990 : 41,1°C le 06/08/2003]
  • 42,5°C le 23 juillet à Montgivray (36) [précédent record depuis 1994 : 42,3°C le 18/08/2012]
  • 42,4°C le 25 juillet à Sens (89) [précédents records depuis 1956 : 40,6°C le 24/07/2019 et 40,2°C le 06/08/2003]
  • 42,3°C le 25 juillet à Fontainebleau (77) [précédent record depuis 1989 : 40,9°C le 12/08/2003]
  • 42,1°C le 25 juillet à Châtillon-sur-Seine (21) [précédent record depuis 1946 : 41,5°C le 19/08/2012]
  • 42,1°C le 25 juillet à Le Bourget (95) [précédent record depuis 1920 : 40,2°C le 12/08/2003]
  • 42,1°C le 25 juillet à Courdimanche (91) [précédent record depuis 1989 : 40,5°C le 12/08/2003]
  • 42,1°C le 23 juillet à Brive-Laroche (19) [précédent record depuis 1987 : 41,4°C le 16/07/2015] 
  • 42,0°C le 25 juillet à Brétigny (91) [précédent record depuis 1947 : 39,7°C le 06/08/2003]
  • 42,0°C le 25 juillet à Romorantin (41) [précédent record depuis 1921 : 41,2°C le 05/08/2003]
  • 41,9°C le 25 juillet à Melun (77) [précédent record depuis 1947 : 39,4°C le 01/07/2015]
  • 41,9°C le 25 juillet à Orly (94) [précédent record depuis 1921 : 40,0°C le 12/08/2003]
  • 41,8°C le 25 juillet à Troyes-Barberey (10) [précédent record depuis 1975 : 40,6°C le 12/08/2003]
  • 41,7°C le 25 juillet à Amiens (80) [précédent record depuis 1985 : 38,1°C le 10/08/2003]
  • 41,7°C le 25 juillet à Bourges (18) [précédents records depuis 1945 : 40,2°C le 24/07/2019, 39,9°C le 23/07/2019]
  • 41,7°C le 25 juillet à Châteaudun (28) [précédent record depuis 1953 : 39,3°C le 06/08/2003]
  • 41,6°C le 25 juillet à Auxerre (89) [précédent record depuis 1936 : 41,1°C le 06/08/2003]
  • 41,6°C le 25 juillet à Beauvais (60) [précédent record depuis 1944 : 39,0°C le 06/08/2003]
  • 41,6°C le 25 juillet à Creil (60) [précédent record depuis 1954 : 39,1°C le 12/08/2003]
  • 41,6°C le 25 juillet à Pontoise-Cormeilles (95) [précédent record depuis 1946 : 39,2°C le 12/08/2003]
  • 41,5°C le 25 juillet à Cambrai (59) [précédent record depuis 1954 : 38,2°C le 06/08/2003]
  • 41,5°C le 25 juillet à Lille-Lesquin (59) [précédent record depuis 1944 : 37,6°C le 27/07/2018]
  • 41,4°C le 25 juillet à Chartres (28) [précédent record depuis 1923 : 40,1°C le 28/07/1947] 
  • 41,4°C le 25 juillet à Châteauroux-Déols (36) [précédents records depuis 1893 : 41,2°C le 23/07/2019, 40,5°C le 02/08/1906 et 40,2°C le 28/07/1947]
  • 41,4°C le 25 juillet à Roissy CDG (95) [précédent record depuis 1974 : 39,0°C le 12/08/2003] 
  • 41,4°C le 25 juillet à Saint-Dizier (52) [précédents records depuis 1953 : 40,6°C le 24/07/2019 et 40,4°C le 12/08/2003]
  • 41,3°C le 25 juillet à Abbeville (80) [précédent record depuis 1944 : 37,8°C le 01/07/1952]
  • 41,3°C le 25 juillet à Dunkerque (59) [précédent record depuis 1917 : 38,3°C le 19/07/2006]
  • 41,3°C le 25 juillet à Orléans (45) [précédent record depuis 1946 : 40,3°C le 28/07/1947]
  • 41,3°C le 25 juillet à Rouen (76) [précédent record depuis 1968 : 38,1°C le 11/08/2003]
  • 41,3°C le 24 juillet à Vichy-Charmeil (03) [précédent record depuis 1941 : 41,2°C le 31/07/1983]
  • 41,2°C le 23 juillet à Bordeaux-Mérignac (33) [précédent record depuis 1920 : 40,7°C le 04/08/2003]
  • 41,1°C le 25 juillet à Reims (51) [précédents records depuis 1945 : 39,7°C le 24/07/2019 et 39,3°C le 12/08/2003]
  • 41,1°C le 23 juillet à Angers-Marcé (49) [précédent record depuis 1999 : 39,5°C le 10/08/2003]
  • 40,9°C le 25 juillet à Évreux (27) [précédent record depuis 1968 : 38,4°C le 11/08/2003]
  • 40,9°C le 25 juillet à Boigneville (91) [précédent record depuis 1979 : 39,7°C le 06/08/2003]
  • 40,9°C le 24 juillet à Avord (18) [précédents records depuis 1922 : 40,2°C le 24/07/2019 et 39,8°C le 06/08/2003]
  • 40,8°C le 25 juillet à Tours (37) [précédents records depuis 1959 : 40,2°C le 23/07/2019 et 39,8°C le 10/08/2003]
  • 40,8°C le 25 juillet à Toussus-le-Noble (78) [précédent record depuis 1965 : 39,3°C le 12/08/2003] 
  • 40,7°C le 25 juillet à Saint-Quentin (02) [précédent record depuis 1933 : 37,9°C le 12/08/2003]
  • 40,7°C le 23 juillet à Angers-Beaucouzé (49) [précédent record depuis 1937 : 39,8°C le 28/07/1947]
  • 40,7°C le 23 juillet à Le Mans (72) [précédent record depuis 1945 : 40,5°C le 06/08/2003]
  • 40,6°C le 25 juillet à Trappes (78) [précédent record depuis 1923 : 39,1°C le 06/08/2003]
  • 40,4°C le 23 juillet à Blois (41) [précédent record depuis 1990 : 39,5°C le 10/08/2003]
  • 40,3°C le 25 juillet à Villacoublay (78) [précédent record depuis 1946 : 38,8°C le 28/07/1947]
  • 40,3°C le 23 juillet à Cognac (16) [précédent record depuis 1945 : 40,1°C le 12/07/1949]
  • 40,1°C le 25 juillet à Dieppe (76) [précédent record depuis 1949 : 38,3°C le 01/07/2015] 
  • 40,1°C le 24 juillet à Nancy-Essey (54) [précédent record depuis 1927 : 39,3°C le 08/08/2003]
  • 40,1°C le 23 juillet à Rennes (35) [précédent record depuis 1945 : 39,5°C le 05/08/2003]
  • 39,8°C le 25 juillet à Alençon (61) [précédent record depuis 1946 : 39,0°C le 28/07/1947]
  • 39,7°C le 25 juillet à Caen (14) [précédent record depuis 1945 : 38,9°C le 05/08/2003]
  • 39,7°C le 24 juillet à Metz-Frescaty (57) [précédent record depuis 1940 : 39,5°C le 08/08/2003] 
  • 39,5°C le 24 juillet à Dijon (21) [précédent record depuis 1921 : 39,3°C le 12/08/2003]
  • 39,4°C le 25 juillet à Deauville (14) [précédent record depuis 1949 : 37,7°C le 10/08/2003]
  • 39,4°C le 24 juillet à Nevers (58) [précédent record depuis 1946 : 39,2°C le 11/08/2003]
  • 39,3°C le 25 juillet à Épinal (88) [précédents records depuis 1986 : 38,8°C le 24/07/2019 et 38,0°C le 09/08/2003]
  • 39,3°C le 25 juillet à Le Touquet (62) [précédent record depuis 1947 : 36,4°C le 11/08/2003]
  • 39,2°C le 25 juillet à Charleville-Mézières (08) [précédents records depuis 1990 : 38,2°C le 24/07/2019 et 37,0°C le 12/08/2003]
  • 39,1°C le 23 juillet à Cholet (49) [précédent record depuis 1965 : 38,4°C le 10/08/2003]
  • 38,9°C le 25 juillet à Strasbourg-Entzheim (67) [précédent record depuis 1923 : 38,8°C le 30/06/2019]
  • 38,8°C le 25 juillet à Langres (52) [précédents records depuis 1947 : 38,0°C le 24/07/2019 et 37,6°C le 12/08/2003]
  • 38,1°C le 25 juillet à Le Havre/Cap de la Hève (76) [précédents records depuis 1921 : 36,5°C le 23/07/2019 et 36,3°C le 10/08/2003]
  • 38,0°C le 25 juillet à Pontarlier (25) [précédent record depuis 1987 : 36,8°C le 13/08/2003]
  • 37,9°C le 23 juillet à Limoges-Bellegarde (87) [précédent record depuis 1973 : 37,3°C le 16/07/2015] 
  • 36,4°C le 25 juillet à Boulogne-sur-Mer (62) [précédent record depuis 1952 : 35,4°C le 01/07/2015]

Comme lors de la première vague de chaleur survenue en juin, la masse d’air était particulièrement chaude en altitude au cours de ce nouvel épisode caniculaire. Dans le massif du Mt Blanc, on a relevé jusqu’à 9,8°C le 23 juillet au col Major (un record absolu pour cette station récemment implantée à 4750 m d’altitude, devant les 9,3°C du 29/06/2019) et 12,3°C le même jour à l’observatoire Vallot (station installée à 4634 m d’altitude en aval du sommet du Mt Blanc, derrière les 12,4°C du 26/06/2019) ! Des valeurs remarquables mais vraisemblablement surestimées, bien supérieures à la température de la masse d’air révélée par les différents radiosondages (Payerne, Milan, Cuneo), l’isotherme 0°C se situant plutôt entre 4900 m et 5000 m d’altitude le 23 juillet. Comme c’est le cas pour la plupart des stations dans le monde situées au-dessus de 3500 m d’altitude, les capteurs enregistrent des hausses soudaines et exagérées de la température, soit en raison d’une irradiation excessive (réflexion de la neige sur le capteur) en l’absence de vent, soit sous l’influence de vents thermiques vigoureux (qui peuvent provoquer des ascendances exceptionnelles permettant aux parapentistes de se poser sur le toit de l’Europe comme le 26 juin 2019 et de voler jusqu’à 5500 m ! [cf. cette vidéo tournée au-dessus du Mt Blanc]). Le même phénomène a été observé le 6 juillet 2019 sur les pentes du Denali (Mt McKinley) en Alaska : la température est montée jusqu’à +8,3°C à Denali Foot Camp (4328 m), alors que le radiosondage effectué au-dessus d’Anchorage indiquait une température de -9,7°C à ~5500 m d’altitude (niveau 500 hPa). En revanche, la température au sommet du Denali (6190 m) a probablement atteint un maximum de -10°C, soit vraisemblablement un record.

En raison d’une masse d’air extrêmement chaude et solidement ancrée au-dessus de la France, les températures minimales nocturnes (amplifiées localement par l’effet de chaleur urbain) ont atteint des valeurs remarquables au cours de cette vague de chaleur. De nombreuses stations ont mesuré leur nuit la plus chaude (tous mois confondus) les 24 et 25 juillet 2019 (avec notamment une minimale nocturne exceptionnelle de 28,3°C le 25 juillet dans Paris intramuros relevée à la station de l’hôpital Lariboisière dans le 10e arrondissement) ; voici quelques exemples :
  • 25,4°C le 25 juillet à Bordeaux-Mérignac (33) [précédents records depuis 1920 : 24,8°C le 23/07/2019 et 23,5°C le 14/08/2003]
  • 25,0°C le 25 juillet à Langres (52) [précédent record depuis 1947 : 24,2°C le 02/07/1952]
  • 25,0°C le 25 juillet à Cognac (16) [précédent record depuis 1945 : 23,8°C le 27/06/2019]
  • 24,8°C le 24 juillet à Roissy CDG (95) [précédents records depuis 1974 : 24,8°C le 23/07/2019 et 24,0°C le 04/07/2015]
  • 24,8°C le 25 juillet à Toulouse-Francazal (31) [précédents records depuis 1922 : 24,6°C le 23/07/2019 et 24,2°C le 26/07/1990]
  • 24,4°C le 24 juillet à Clermont-Aulnat (63) [précédent record depuis 1923 : 23,3°C le 04/07/2015]
  • 24,4°C le 25 juillet à Orly (94) [précédent record depuis 1921 : 23,5°C le 11/08/2003]
  • 24,2°C le 25 juillet à Saintes (17) [précédent record depuis 1990 : 23,7°C le 09/07/2010]
  • 23,9°C le 24 juillet à Trappes (78) [précédent record depuis 1923 : 23,4 °C le 11/08/2003]
  • 23,4°C le 24 juillet à Jagny-sous-Bois (95) [précédent record depuis 1967 : 22,7°C le 02/07/2010]
  • 23,2°C le 25 juillet à Lille-Lesquin (59) [précédent record depuis 1944 : 22,5°C le 04/07/2015]
  • 23,1°C le 24 juillet à Radinghem (62) [précédent record depuis 1989 : 21,3°C le 20/07/2016] 
  • 22,0°C le 24 juillet à Sancoins (18) [précédent record depuis 1949 : 21,4°C le 28/06/2019]
  • 21,9°C le 24 juillet à Abbeville (80) [précédent record depuis 1922 : 21,4°C le 20/07/2016]

La chaleur s’est propagée ensuite à l’ensemble du Benelux, dont les trois pays ont dépassé chacun pour la première fois, et en de nombreuses stations, la barre des 40°C.

samedi 3 août 2019

Plus de 80 jours consécutifs avec un indice NAO négatif : une séquence inédite !

+ Animation du 26/04 au 11/07/2019
L’indice de l’oscillation nord-atlantique (ONA, ou North Atlantic Oscillation en anglais – NAO), calculé à partir de la différence de pression entre l’Islande et les Açores, affiche des valeurs négatives depuis le 26 avril dernier. Après avoir atteint cette année une valeur négative record (-2,62) pour un mois de mai, avec des pressions anormalement élevées au pôle Nord, en Islande et dans l’Arctique plus largement depuis plus de trois mois, l’indice NAO reste toujours négatif en ce début de mois d’août 2019 et aucun changement notable n’est attendu avant la mi-août selon les dernières prévisions.

Au niveau 500 hPa (soit ~5500 m d’altitude), on a comptabilisé une série de 88 jours consécutifs avec un indice NAO négatif du 26 avril au 22 juillet 2019, ce qui constitue la plus longue séquence jamais observée depuis 1950 (précédent record : 68 jours du 6 juin au 12 août 2011) ! On remarquera d’ailleurs que 6 des 10 plus longues périodes ont été observées depuis 2010.
Après des valeurs très légèrement positives du 23 au 25 juillet, l’indice NAO au niveau 500 hPa est redevenu négatif les jours suivants.


En surface, la série s’est interrompue le 18 juillet avec une valeur légèrement positive (+0,11), après 83 jours consécutifs avec un indice NAO négatif (précédent record depuis 1900 : 69 jours du 20 janvier au 29 mars 1947). Toutefois, l’indice NAO est redevenu négatif dès les deux jours suivants et affiche des valeurs abyssales en ce début de mois d’août 2019 (-2,26 le 1er août et même -2,35 le 4 août) !

Sans surprise, l’indice de l’oscillation nord-atlantique affiche la valeur négative la plus basse depuis 1950 sur la période mai-juillet 2019 : une situation radicalement différente de celle de l’an dernier sur la même période.
Le mois d’août 2019 a commencé avec un indice NAO encore plus bas. Aucun changement notable n’est attendu avant la mi-août selon les dernières prévisions (à l’heure où nous écrivons).



Dans une telle configuration isobarique, rappelons que la circulation d’ouest est plus faible et le courant-jet décrit des ondulations plus marquées, favorisant de puissantes advections d’air chaud en provenance du nord de l’Afrique (comme ce fut le cas sur la France à la fin du mois de juin 2019 et du 22 au 26 juillet 2019 avec deux épisodes caniculaires successifs) entre deux coulées d’air plus froid sur le proche Atlantique et du nord de l’Europe à l’Europe de l’Est. Cela se traduit généralement en été par des températures anormalement basses et des précipitations excédentaires sur le nord-ouest de l’Europe et une large moitié sud de la Fennoscandie, comme l’indiquent les cartes schématiques ci-contre proposées par le Met Office.
Les conditions météorologiques qui ont touché le centre et le sud de la Norvège au début du mois de juillet viennent confirmer ce schéma climatique : à la faveur d’une coulée d’air plus froid et humide, le centre du pays en particulier a enregistré des températures anormalement basses et des précipitations neigeuses sur les reliefs, avec de la neige au sol à partir de 1200 m d’altitude et les premiers flocons observés localement à partir de 600 m (notamment à Lebergsfjellet situé à 625 m dans le comté de Møre og Romsdal, par 62° de la latitude N !). Il faut remonter au moins à la mi-juillet 1983 pour trouver un événement comparable à cette période de l’année. Il a neigé notamment au col du Sognefjell (1415 m) où la température est descendue jusqu’à -3,0°C le 3 juillet au matin (2e plus basse température minmale à la station pour un mois de juillet). La couche de neige a atteint 25 cm le 5 juillet au matin à Mannen (1294 m), avec des températures qui se sont maintenues en dessous de 0°C durant 76 heures consécutives (du 1er au 4 juillet). La température est descendue jusqu’à -6,4°C le 3 juillet à Juvvasshøe (1894 m), soit la plus basse température enregistrée en Norvège au mois de juillet depuis 1964, tout près du record mensuel national de froid (-8,3°C le 5 juillet 1951 au Mt Fannaråki). Il s’agit d’ailleurs d’un record de froid pour un mois de juillet dans le comté d’Oppland (précédent record : -5,3°C en juillet 1964 à Fokkstua [970 m]). Deux autres comtés norvégiens ont également enregistré le 3 juillet un nouveau record mensuel de froid : le comté de Sør-Trøndelag avec -4,5°C à Storhornet (1550 m) (précédent record depuis 150 ans : -3,4°C le 19 juillet 1910 [!] à Røros [628 m]) et le comté de Møre og Romsdal avec -2,7°C à Mannen (1294 m) (précédent record : -1,9°C en juillet 2010 à Mannen). Notons aussi que la température est descendue à 1,5°C le 4 juillet à Aurskog (128 m) dans le sud-est du pays et 2,5°C le 5 juillet au matin à Nesbyen-Todokk (166 m), la station détenant le record national de chaleur (35,6°C le 20 juin 1970). Signalons enfin que la température n’a pas dépassé 6,9°C à Kvamskogen-Jonshogdi (452 m) le 2 juillet au plus chaud de l’après-midi !

L’animation ci-contre des anomalies de température au niveau 850 hPa (~1500 m d’altitude) du 2 au 9 juillet 2019 illustre parfaitement une phase NAO négative, avec une composante méridienne plus marquée des flux en présence : de l’air plus frais qui s’écoule sur le proche Atlantique (avec une dépression isolée au large du Portugal qui amène de la fraîcheur sur l’ouest de la péninsule Ibérique et favorise à l’avant l’advection d’un air plus chaud en provenance d’Afrique du Nord sur la France) et de l’air froid qui s’écoule du nord de l’Europe à l’Europe de l’Est.

Source : Mika Rantanen
La persistance de ces conditions dynamiques associées à un indice NAO négatif s’est traduite par une première quinzaine de juillet bien plus froide que la normale à Helsinki (Finlande), la plus froide depuis 1996 et l’une des plus froides depuis les années 1960.
Plus à l’est, l’ensemble du mois de juillet 2019 affiche même des valeurs bien inférieures aux normales dans l’ouest de la Russie, notamment à Moscou où il faut remonter à 1987 pour observer un mois de juillet aussi frais (Tm de 16,8°C, soit 2,4°C en dessous de la normale mensuelle 1981-2010, loin toutefois du record de juillet 1904 [Tm de 14,6°C]).
Des températures remarquablement basses ont également été enregistrées au cours du mois de juillet dans l’ouest de la Russie, comme le 13 juillet à Kotlas avec seulement 3,7°C de température minimale (un record de froid pour un 13 juillet à la station depuis le début des mesures en 1936) et surtout en fin de mois avec des records mensuels de froid dans plusieurs stations : 2,3°C le 30 juillet à Sarlyk, 2,7°C à Radishchevo, 3,6°C à Sassovo et 3,9°C à Tambov le même jour.


Bien entendu, tout est mobile — les dépressions comme les anticyclones —, si bien que toutes les régions sont susceptibles d’enregistrer temporairement des températures anormalement basses ou anormalement élevées en période de NAO négatif en fonction du déplacement des centres d’action et des blocages aérologiques.
On observe toutefois que les coulées d’air froid adoptent deux trajectoires préférentielles à l’échelle moyenne de la dynamique aérologique dans cette région du monde, l’une sur le proche Atlantique et l’autre de l’Europe du Nord à l’Europe de l’Est (avec une composante méridienne plus marquée au cours de l’hiver boréal). La France est le plus souvent positionnée entre ces deux trajectoires préférentielles (comme l’indique aussi la tendance à la hausse de la fréquence des vents de secteur sud/sud-ouest sur l’Europe occidentale depuis les années 1960), tantôt sous l’influence d’une advection d’air chaud en provenance d’Afrique du Nord à l’avant d’une masse d’air plus froid circulant sur le proche Atlantique et glissant le long des côtes nord-ouest de l’Afrique, tantôt (voire les deux) sur la façade ouest d’un anticyclone (donc dans un flux de sud dans le sens de rotation anticyclonique) positionné plus à l’est sur le centre de l’Europe qui ralentit le flux d’ouest, jusqu’à le bloquer plus ou moins durablement (son influence variant en fonction de sa pression, son étendue, sa vitesse de déplacement et ses caractéristiques hygrothermiques). Notons d’ailleurs que la continentalité (croissante vers l’est) joue un rôle non négligeable dans la survenue de ces situations de blocage (été comme hiver, mais avec des effets différents) : rappelons que l’air froid est plus lourd que l’air chaud, de même que l’air sec est plus lourd que l’air humide, tout cela a nécessairement des conséquences sur la dynamique aérologique à l’échelle synoptique.

Comme on l’a déjà signalé plus haut, 6 des 10 plus longues séquences avec un indice NAO négatif ont été observées au cours des 10 dernières années, dont 3 sur 6 en été. Une étude parue en 2015 dans la revue Science vient également souligner le phénomène en mettant en évidence une tendance à la baisse du flux zonal en été depuis plus de 30 ans dans l’hémisphère nord aux moyennes latitudes (cf. graphique de gauche ci‑dessous) : cela se traduit par des ondulations plus amples du jet-stream, des situations de blocage plus fréquentes et durables, une augmentation des échanges méridiens d’air et d’énergie, avec alternance de pulsations extrêmement chaudes et coulées froides de part et d’autre. Si cette tendance se poursuit dans les prochaines années, les épisodes caniculaires pourraient donc devenir plus fréquents et intenses en France, avec une masse d’air toujours plus chaude lors des situations de blocage (comme on peut déjà l’observer à partir des radiosondages de Paris et Bordeaux sur les deux graphiques de droite ci-dessous).